Comment est née la « viande cultivée » ?
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Dans cinquante ans, nous échapperons à l’absurdité d’élever un poulet entier afin de manger la poitrine ou l’aile, en cultivant ces pièces séparément dans un milieu approprié…
En 1931, dans un essai intitulé Dans cinquante ans, Winston Churchill disserte sur les innovations technologiques qu’il envisage pour son époque. À quelques dizaines d’années près, sa citation s’avère visionnaire. Elle rejoint à présent l’ambition affichée par les acteurs de la viande cultivée : celle d’offrir une alimentation saine et équilibrée, avec moins d’impact sur l’environnement, sans intrants toxiques pour l’homme et, surtout, sans aucune souffrance ou mort animale.
Les start-up se multiplient pour mettre au point de la viande, du poisson, du lait, des œufs, de la gélatine et du cuir produits à partir de cellules souches animales. Elles s’appellent Memphis Meats ou Just en Californie, New Harvest à New York, Modern Meadow dans le New Jersey, Mosa Meat ou Meatable aux Pays-Bas ou encore Aleph Farms ou Future Meat en Israël…
À qui doit-on la paternité de la viande cultivée ?
En 1999, après vingt-cinq ans de recherches, un scientifique et homme d’affaires néerlandais nommé Willem van Eelen brevette une méthode qu’il affirme capable de fabriquer de la viande en se passant de l’abattage. Emprisonné dans un camp japonais pendant de la Seconde Guerre mondiale, l’homme s’était juré de résoudre la faim dans le monde.
Pendant sa captivité, il avait développé une obsession pour la nourriture, notamment pour les moyens de tirer le meilleur parti des maigres portions qu’on lui servait. En 2004, sa société Vitro Meat BV s’associe aux universités d’Utrecht, d’Amsterdam et d’Eindhoven pour former un consortium subventionné par l’Etat néerlandais, « Dutch In Vitro Meat project ».
Vers la fin de sa vie, van Eelen s’était confié au New Yorker :
J’aime la viande, donc je ne suis jamais devenu végétarien. Mais on peut difficilement justifier les traitements qu’on inflige aux animaux de notre planète. Cultiver de la viande sans causer de souffrances était à mes yeux une solution parfaitement naturelle.
Les recherches de Willem van Eelen n’aboutirent à aucune avancée tangible, et ce pionnier trouva la mort en 2015, à 91 ans. Mais il réussit à allumer la mèche. Depuis, d’autres ont repris le flambeau et la technologie a sensiblement évolué.
Le futur est en marche
• 2002 Un groupe de chercheurs de la NASA réussit à cultiver de la chair de poisson, dans la perspective de pouvoir fournir de la nourriture aux astronautes.
• 2004 New Harvest, un institut de recherche consacré à la culture de viande cellulaire (initialement financé par le gouvernent néerlandais), est créé.
• 2005 L’article scientifique « In vitro-cultured meat production », publié dans la revue Tissue Engineering, explique comment certaines technologies développées en médecine pourraient permettre de cultiver de la viande.
• 2013 À l’occasion d’une conférence de presse, le chercheur néerlandais Mark Post propose la dégustation d’un burger cellulaire à un panel de journalistes, à Londres. Mark Post est récompensé par le World Technology Award.
• 2014 Les sociétés Perfect Day, destinée à produire du lait, et Clara Foods, destinée à produire du blanc d’œuf, sont créées aux États-Unis. Toutes deux recourent à une méthode de production par fermentation.
• 2017 Des produits cosmétiques contenant de la gélatine acellulaire, produite par la société Geltor, sont mis sur le marché. Les géants producteurs de viande Cargill et Tyson Foods investissent dans la clean meat, tout comme Bill Gates et Richard Branson.
• 2018 En décembre 2018, la start-up israélienne Aleph Farms produit le premier « vrai » steak issu de cellules bovines. La technologie utilisée permet de reproduire l’apparence, le goût et la texture d’un morceau de viande conventionnel.