Le Brésil propose la toute première formation viande cultivée

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L'Université fédérale de Parana au Brésil est pleinement engagée dans la viande de culture. Elle a mené précédemment des études sur la volonté du Brésilien de manger de la viande cultivée et sur la transition économique qui y est associée. A présent, elle propose une formation complète sur le thème. Le professeur Germano Glufke Reis nous en dit plus.

 L'Université fédérale de Parana devient pionnière en proposant un troisième cycle sur la viande cultivée. En quoi consistera exactement cette formation ? L'accent est-il mis sur la technologie, le changement social ou les deux ?

La formation offre une vue d'ensemble sur la viande cultivée et aborde divers sujets et visions. Elle traite des solutions et des barrières technologiques, mais aussi de l'éthique, de la sécurité alimentaire, des chaînes de valeur, de l'emploi et de l'acceptation des consommateurs. Nous examinons l'écosystème des startups développées en laboratoire ainsi que les différences entre continents ou pays. Ce sera donc une formation multidisciplinaire qui impliquera des professeurs issus d’horizons différents.

 Lorsqu’en Europe, nous évoquons le Brésil, les premières images qui nous viennent à l’esprit sont ‘le carnaval, et l’Amazonie ». En ce qui concerne cette dernière, c'est un euphémisme de dire que le sort de la plus grande forêt tropicale humide du monde est incertain. Dans quelle mesure la viande de culture peut-elle contribuer à éviter un tel drame ?

C'est une question très pertinente. Elle est également abordée dans notre dernière publication scientifique intitulée "Découpler la viande de l'abattage des animaux et ses effets sur les relations homme-animal". Le "découplage" dans le titre fait référence au potentiel de la viande cultivée à produire très rapidement des protéines animales, sans qu'il soit nécessaire d'élever et de tuer des animaux. L'arrivée de la viande de culture sur le marché mondial ne réduira pas seulement la souffrance des animaux d'élevage, elle restaurera également des zones propices à la faune sauvage. L'utilisation des terres pour la viande cultivée est en effet bien inférieure à celle de la viande conventionnelle, ce qui supprime la pression sur l'Amazonie. Nos recherches montrent d’ores et déjà que la viande de culture pourra libérer des surfaces considérables au profit des animaux sauvages.

 

L'arrivée de la viande de culture e sur le marché mondial ne réduira pas seulement la souffrance des animaux d'élevage, elle restaurera également des zones propices à la faune sauvage.

Germano Glufke Reis

Le Brésil est connu comme l'un des principaux producteurs et consommateurs de viande. Pensez-vous que ce soit un obstacle majeur à la viande cultivée, ou les Brésiliens sont-ils de plus en plus conscients des problèmes éthiques concernant la viande conventionnelle ?

Le Brésil est en effet un important producteur, exportateur et consommateur de viande. Selon la fédération brésilienne de l'industrie d'exportation de la viande, l'élevage était responsable de 8,7% du produit intérieur brut du Brésil en 2019. Environ 80% de la production de viande est consommée sur le marché intérieur, la consommation moyenne par habitant est estimée à 42 kilos par an. C'est beaucoup, mais c'est moins par habitant que dans la plupart des pays d'Europe. En outre, le bien-être animal et les autres préoccupations éthiques ont gagné de l'ampleur, faisant même chuter la consommation de protéines animales. Entretemps, 14% des Brésiliens des grandes villes se considèrent végétariens. C’est ce qui ressort d'une étude réalisée en 2019 par l'Institut brésilien de l'opinion publique et des statistiques. Par comparaison, en 2012, ce pourcentage était de 8%. D'un autre côté, selon nous, ce n'est certainement pas suffisant et il convient de trouver une solution radicale à la méconnaissance de la souffrance animale. Une étude récente de notre groupe de recherche a révélé que 64% des répondants brésiliens mangeraient de la viande cultivée. Cela illustre bien que la viande cultivée devient une clé importante de la solution.

Le Brésil possède une culture carnée prononcée. Le ‘picanha’, un plat national, est un morceau de viande de haute qualité, difficile à produire par culture cellulaire. Un pessimiste pourrait dire: « Les Brésiliens seront les derniers à changer leur régime alimentaire en faveur de la viande cultivée ».

Oui, le picanha est très populaire au Brésil. Il est à espérer qu'un certain nombre de startups utilisent des technologies de bio-impression 3D pour fabriquer des coupes de viande plus complexes, comme par exemple le picanha. De plus, il ne faut pas oublier que la consommation de viande transformée, comme les hamburgers et les saucisses, est élevée dans notre pays. Et c'est beaucoup plus facile à remplacer par de la viande cultivée. Je m'attends à ce que la viande cultivée débarque sur le marché brésilien dans ce segment.

Il convient de trouver une solution radicale à la méconnaissance de la souffrance animale.

Germano Glufke Reis

Pour terminer : d’où vient votre envie de travailler sur la viande cultivée ?

Le laboratoire vétérinaire de bien-être animal de notre université est dirigé par le Dr. Carla Molento, qui est certainement une visionnaire. Notre principal moteur est notre souci pour l'éthique et le bien-être animal. Nous sommes convaincus que toute la chaîne de la viande doit être transformée, ce qui profiterait non seulement aux animaux d'élevage, mais aussi à la faune sauvage. En premier lieu, nous sommes désireux de réduire la souffrance animale, mais l'impact environnemental et la propagation des zoonoses comme le COVID19 sont également très importants à nos yeux. C'est pourquoi nous proposons cette nouvelle formation sur la viande cultivée. Nous voulons aider les gens à se développer, ceux qui veulent changer le monde pour un mieux.