Utilise-t-on des antibiotiques dans la viande cultivée ?

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Les résistances des infections aux antibiotiques (AMR) croissent dans les pays émergents. Les élevages intensifs y sont pour beaucoup… La viande cultivée est-elle un antidote à cette menace ou, au contraire, risque-t-elle de l’amplifier?

Selon l’Organisation mondiale de la santé[1], l’augmentation de la résistance aux antibiotiques est l’une des plus grandes menaces pour notre santé et la sécurité alimentaire. C’est aussi un problème qui ne connaît pas de frontières : il existe autant en Belgique que dans des pays pauvres où l’accès aux soins de santé est quasiment inexistant. L’utilisation excessive et peu judicieuse des antibiotiques permet aux bactéries de s’armer contre eux, ce qui signifie que les antibiotiques n’ont que peu ou pas d’effet. On estime que 700 000 personnes dans le monde meurent chaque année d’infections qui sont de plus en plus difficiles à traiter[2]. La pneumonie, la tuberculose et la salmonellose (intoxication alimentaire) sont particulièrement problématiques.

Une grande partie du problème réside dans l’utilisation d’antibiotiques dans l’élevage conventionnel. Après tout, l’industrie de la viande est de loin le plus grand consommateur d’antimicrobiens. De tous les antibiotiques vendus aux États-Unis, 80% sont destinés à l’élevage ; 70% d’entre eux sont médicalement importants pour l’homme[3]. Depuis 2000, la production de viande a augmenté de 68 % en Asie, de 64 % en Afrique et de 40 % en Amérique du sud. Cette transition s’est accompagnée d’une expansion de l’élevage intensif dans lesquels les antimicrobiens sont utilisés en routine pour maintenir la productivité et la santé des élevages. Résultat : les résistances des infections aux antibiotiques (AMR) croissent dans ces pays émergents.

La pratique subsiste

La situation est un peu meilleure dans l’Union européenne. En effet, en 2006, à la suite d’alertes de microbiologistes, la Commission européenne a interdit aux éleveurs de recourir à l’ajout d’antibiotiques dans l’alimentation des animaux, qui se retrouvent sous forme de résidus dans l’assiette du consommateur et induisent une résistance aux antibiotiques.

Ces antibiotiques étaient surtout utilisés comme facteurs de croissance dans l’alimentation animale, ce qui est désormais interdit dans l’UE (les antibiotiques favorisent la croissance des animaux et augmentent de facto la production de viande). Mais les antibiotiques sont encore ajoutés de manière préventive en Europe. La pratique reste tellement courante que des restrictions doivent être imposées à partir de 2022. Dans le monde entier, l’utilisation des antibiotiques continue d’augmenter : elle devrait progresser de 67 % d’ici 2030 et même doubler au Brésil, en Russie, en Inde, en Chine et en Afrique du Sud[4]. La raison en est simple : on assiste, dans le monde entier, à une évolution croissante vers l’élevage intensif. Comme les risques de maladie y sont plus élevés, on utilise également davantage d’antibiotiques.

Qu’en est-il de la viande de culture ?

La viande cultivée n’a pas encore quitté les laboratoires. Elle n’est pas encore commercialisée et n’a pas encore atteint un niveau de production industrielle. À proprement parler, les cultures de cellules ne requièrent aucun antibiotique, puisqu’elles sont réalisées dans des conditions stériles et fermées. Toutefois, des antibiotiques peuvent être ajoutés lors d’expériences afin d’éviter une contamination bactérienne, mais de façon limitée pour ne pas causer des effets indésirables sur les cellules. Une fois que la viande cultivée pourra être produite à plus grande échelle, le travail de culture cellulaire pourra s’effectuer dans des cuves stériles et fermées. C’est pourquoi Aleph Farms, Mosa Meat et Peace of Meat ont déjà annoncé qu’ils pouvaient travailler sans antibiotiques.

Sources:

[1]Summary report on antimicrobials sold or distributed for use in food-producing animals. Food & Drug Administration (2014)

[2]https://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/antibiotic-resistance

[3]O’Neill. The Review on Antimicrobial Resistance, chaired by Jim O’Neill. London: Wellcome Trust; 2016. Tackling drug-resistant infections globally: Final report and recommendations.

[4]Van Boeckel TP, Brower C, Gilbert M, Grenfell BT, Levin SA, Robinson TP, Teillant A & Laxminarayan R. Global trends in antimicrobial use in food animals. PNAS (2015)