On peut désormais cultiver de la viande avec un minimum de ressources
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Un morceau de viande bovine sorti d’une imprimante 3D à 339 kilomètres d’altitude ? C’est la prouesse réalisée par la start-up israélienne Aleph Farms à bord de la Station spatiale internationale (ISS).
La pièce est fine, cinq millimètres d’épaisseur environ, et sa chair brune et caramélisée. L’odeur et le goût, eux, sont bien ceux de la viande. Cette lamelle de boeuf a été produite par la société Aleph Farms. Cette start-up israélienne, spécialisée dans la « clean meat », la viande fabriquée sans abattage, est la première au monde à être parvenue à créer un steak par culture cellulaire en décembre 2018.
Le 26 septembre 2019, soit moins d’un an plus tard, Aleph Farms a prouvé qu’elle était aussi capable de le faire dans l’espace. L’expérience a été réalisée à bord de la Station spatiale internationale (ISS) dans le cadre d’un projet international rassemblant trois autres sociétés, la Russe 3D Bioprinting Solutions, spécialisée dans la bioimpression 3D, et les américaines Meal Source Technologies et Finless Foods. Pour fabriquer sa viande dans des conditions de microgravité contrôlées, la start-up israélienne s’appuie sur un procédé naturel de régénération des tissus musculaires. Un véritable exploit scientifique.
Un minimum de ressources
Les expérimentations spatiales d’Aleph Farms ne sont pas destinées en premier lieu à nourrir les astronautes, mais plutôt à démontrer son expertise dans des conditions hostiles sans aucune ressource naturelle. Dans l’espace, il n’y a ni eau - alors qu’il faut de 10 000 à 15 000 litres pour produire 1 kilo de bœuf traditionnel - ni terre agricole. « Nous avons la preuve que la viande cultivée peut être produite n’importe quand, n’importe où et dans n’importe quelles conditions », explique Didier Toubia, le patron de la start-up israélienne. « Mais notre objectif est bien de vendre de la viande sur Terre », ajoute-t-il.
Notre but n'est pas de remplacer l'agriculture traditionnelle, assure Didier Toubia. C'est d'être une meilleure alternative aux exploitations industrielles.
En août dernier, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) tirait la sonnette d’alarme. Leur nouveau rapport s’inquiétait de la difficulté de nourrir les 10 milliards d’êtres humains qui seront présents sur Terre à l’horizon 2050. Si l’on garde notre modèle actuel, l’environnement, les terres et les nappes phréatiques ne suffiront pas, soulignait ce rapport. Et il rappelait également combien l’élevage pèse lourd sur l’environnement. C’est là où la technique développée en orbite prend tout son sens : elle a le potentiel de répondre à la demande sans avoir besoin de milliers d’hectares de terres agricoles.
Un processus naturel
Mais comment la start-up israélienne s’y est-elle prise ? Elle a tout d’abord recueilli des cellules bovines sur Terre. Puis celles-ci ont été transportées à bord de l’ISS, où elles ont été cultivées pour constituer du tissu musculaire à petite échelle, grâce à une imprimante biologique 3D. Et ce, dans des conditions reproduisant à l’identique le phénomène de production cellulaire à l’œuvre dans un vrai bœuf. « Certaines cellules sont en effet capables de se renouveler et de créer du muscle. Elles ont donc été identifiées, puis isolées et cultivées dans des conditions qui reproduisent à l’identique l’intérieur d’une vache », explique Didier Toubia. Détail important : ce morceau de viande produit sans abattage présente les mêmes apports nutritionnels et énergétiques qu’un steak conventionnel. Une prouesse dans les conditions extrêmes de l’ISS.